- Depuis les indépendances, les politiques agricoles qui se sont succédées au Togo ont préconisé la concentration des efforts sur l’objectif de sécurité alimentaire. Cet objectif intégrait un accompagnement des productions vivrières, plus spécialement céréalières (riz et maïs), assorti d’un soutien mieux structuré aux cultures de rente aux fins d’accroître et de stabiliser les revenus issus des recettes de cultures d’exportation (coton, café et cacao).Des actions de promotion du développement de productions animales et halieutiques ont pu également être entreprises mais sans la même envergure que pour les autres sous-secteurs.
- Si la couverture des besoins alimentaires du pays a pu être globalement assurée sur cette période, les résultats du développement agricole sont restés en deçà des espérances. (i) Ainsi, les niveaux de productions connaissent des fluctuations, au gré du climat, exposant les populations, particulièrement dans la partie septentrionale du pays, à des disettes cycliques et à la prévalence de la malnutrition. (ii) L’étroitesse des exploitations agricoles, couplée aux faibles niveaux de rendement, entrainent la persistance de faibles niveaux de revenus, bien en deçà du seuil national de pauvreté. (iii) La contribution du secteur agricole à la création des richesses et à l’accélération de la croissance reste en deçà des potentialités du secteur en raison notamment des faibles niveaux des valeurs ajoutées qui y prévalent et de la faible ouverture sur les marchés.
- En réaction à la crise alimentaire mondiale de 2008, le Gouvernement togolais a engagé de manière plus volontariste des actions de relance et de soutien de l’investissement dans l’agriculture. Aussi, la mise en œuvre de la Stratégie de relance de la production agricole (SRPA 2008-2010) a permis de jeter les bases d’un programme plus structurant : le Programme d’investissement agricole et de sécurité alimentaire (PNIASA 2010-2015).
- La mise en œuvre du PNIASA issu des concertations au niveau régional parallèlement à l’amélioration du cadre incitatif, a permis d’améliorer les performances du secteur en assurant aux agriculteurs un meilleur accès aux intrants agricoles, le recours progressif à la mécanisation et le bénéfice du mécanisme volontariste de soutien du prix au producteur. Cela a permis au Togo de garantir la sécurité alimentaire de ses populations et maintenir à la fois la dynamique du secteur en matière de création d’emplois, d’accélération de la croissance économique et de réduction du déficit de la balance commerciale.
- Cependant, les performances appréciables du PNIASA (environ 6% par an de croissance du PIB d’origine agricole) ne permettent pas d’entretenir une dynamique suffisamment soutenue et durable d’accélération de la croissance économique du pays. Le taux de croissance économique globale, qui se situe actuellement à 5.9 % en 2014 devrait dans un avenir proche être porté à au moins 10% l’an pendant une période de dix ans pour donner la chance au Togo de figurer sur la liste des pays en voie de l’émergence à l’Horizon 2030. Dans cette perspective, le Gouvernement mise sur le secteur agricole, en raison aussi bien des réalités économiques que du souci de l’inclusion sociale. C’est en ce sens que le Gouvernement du Togo a entrepris l’élaboration d’une nouvelle politique, plus ambitieuse, orientée vers l’accélération de la croissance, la compétitivité, la transformation, la modernisation progressive et plus d’ouverture vers les marchés. Cette politique devra induire une amélioration substantielle et durable des revenus des populations rurales et de leurs niveaux de vie, la création des emplois particulièrement pour les jeunes, tout en préservant les acquis du Togo en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle.
- Sur la base des consultations régulières qu’il mène, notamment à travers le Forum National du Paysan Togolais (FNPT), ainsi que de diverses études locales ou commanditées auprès d’expertises internationalement reconnues le Chef de l’Etat a fixé le cap de la nouvelle Vision de l’agriculture à l’horizon 2030.
- La première orientation consiste à poursuivre les investissements dans les infrastructures, tout en accompagnant activement la mutation du secteur agricole. La modernisation de l’agriculture balisera la voie pour l’essor des industries de transformation et la multiplication des Petites et Moyennes Entreprises (PME/PMI) et même de très petites entreprises.
- La seconde orientation consiste à concentrer les efforts sur les activités de services, en mettant un accent tout particulier sur la logistique. Fort de sa longue tradition des échanges commerciaux, le Togo aura ainsi toutes les cartes en main pour se positionner comme le hub d’affaires par excellence, dans une sous-région en pleine croissance.
- Enfin, dans la troisième phase de cette feuille de route vers la prospérité, le Togo est convié à s’affirmer dans la construction d’un label de qualité et d’un pôle de compétitivité.
- La matérialisation d’une telle ambition exige des approches et mécanismes innovants aussi bien sur le plan conceptuel, opérationnel que du financement. C’est pour relever ce défi que le Gouvernement a introduit une approche axée sur le « Corridor de Développement au Togo », d’une part et la création d’une « société holding d’Etat – Togo Invest», d’autre part.
- En vue de faire jouer le secteur agricole son rôle capital dans la nouvelle dynamique d’accélération qui vient d’être évoquée, le Gouvernement a décidé d’engager une politique agricole axée sur l’amplification, l’accélération de processus de création de richesses et de valeurs ajoutées à partir des pôles de développement agricoles ou « Agropoles ».
- Aussi, conformément aux standards nationaux et internationaux en la matière, des concertations ont été organisées aussi bien sur le plan national (à Lomé, à Notsè) que sur le plan régional.
- Par la hiérarchisation des problèmes identifiés, les participants sont parvenus à dégager quatre ensembles des principaux domaines sur lesquels la nouvelle politique devrait se concentrer.
- Il s’agit d’abord de l’amélioration de l’approvisionnement en intrants, de l’accès sécurisé au foncier et aux autres facteurs de production, l’intensification et l’accroissement de valeurs ajoutées dans les processus de production, de transformation et de commercialisation des produits agricoles.
- Il s’agit aussi d’assurer l’inclusion sociale.
- Le troisième domaine d’intervention a trait aux facteurs permettant de contribuer à la prévention et à l’atténuation des effets liés au changement climatique(les gaz à effets de serres GES, la dégradation des sols et de l’environnement…).
- Enfin, une série de facteurs qui interviennent de façon transversale et qui déterminent l’évolution des trois autres domaines relèvent de la gouvernance du secteur.
- C’est à partir de ces constats qu’a été formulée une nouvelle vision du secteur assortie des autres éléments dont l’ensemble constitue les fondements de la nouvelle politique agricole au Togo pour l’horizon 2030.
19.La Vision portée par la présente politique est de réaliser: «une agriculture moderne, durable et à haute valeur ajoutée au service de la sécurité alimentaire nationale et régionale, d’une économie forte, inclusive, compétitive et génératrice d’emplois décents et stables à l’horizon 2030».
- L’objectif global à atteindre dans ses interactions avec les autres secteurs est de contribuer à l’accélération de la croissance économique, à la réduction de la pauvreté et à l’amélioration des conditions de vie tout en assurant l’inclusion sociale et le respect de l’environnement.
- Les objectifs de développement spécifique au secteur agricole sont d’assurer durablement:
- la sécurité alimentaire,
- le rééquilibrage de la balance commerciale agricole,
- l’amélioration du niveau des revenus agricoles,
- la création des emplois agricoles décents et la réduction de la pénibilité du travail, – le maintien de manière durable d’un taux de croissance agricole élevé.
- Quatre axes stratégiques ont été retenues autour de la politique agricole à l’horizon 2030 : (i)
Accroitre durablement la production et la création de valeur ajoutée dans le secteur agricole ; (ii) Améliorer l’accès aux facteurs de production et moderniser les infrastructures de production ; (iii) Promouvoir l’innovation technologique, la formation professionnelle et assurer la diffusion des meilleurs techniques pour accompagner la transformation de l’agriculture ; (iv) Améliorer la gouvernance, le cadre institutionnel et développer des instruments de soutien adaptés à la nouvelle vision.
- La principale stratégie envisagée pour la mise en œuvre de la nouvelle politique agricole repose sur une approche de développement intégré basé sur les « agropoles ». Dans ce contexte, le Gouvernement togolais, avait déjà prévu une telle option stratégique dans l’axe 5 de la SCAPE, en vue de promouvoir davantage l’émergence équilibrée des pôles de développement. Cette approche sera concrétisée à travers la formulation d’un premier vaste programme « agropoles » pour la période 2016-2020. Une proposition de ce programme pilote couvrant trois (3) régions sur les cinq (5) que compte le pays devrait être opérationnel en 2016, quitte à en assurer progressivement la consolidation et l’extension sur les deux autres régions du pays.
- Le concept d’agropole étant relativement nouveau en tant qu’instrument de structuration du développement au Togo, le Gouvernement a déjà engagé une série de concertation avec tous les partenaires et acteurs concernés, en vue de mettre en place des mécanismes appropriés de formulation de ce programme.
- Sans anticiper sur les résultats de la phase de formulation qui va bientôt suivre, le modèle d’agropole qui est recherché constitue un pôle intégré de développement autour de l’activité agricole. L’ambition d’une telle structuration est de réunir en un seul endroit et sous une même organisation opérationnelle axée sur les potentialités locales, sur les avantages comparatifs des sites concernés et les filières associées, les différents leviers permettant de sortir les populations de la pauvreté. Les agropoles seront également couplés au développement d’infrastructures diverses de soutien (bâtiments et travaux publics dont les pistes rurales, les routes, énergies), à de pôles de développement industriel ainsi qu’à de pôles de développement de services (services financiers aux entreprises et micro entreprises, finance inclusive, services de télécommunications et télé-services).
26.La mise en œuvre de la nouvelle politique agricole à travers les agropoles est envisagée de manière à faire jouer le secteur privé sous l’impulsion de mécanismes incitatifs publics pouvant être mis en place dans le cadre de partenariats public privé. Tous les secteurs aussi bien dans leurs entités centrales que déconcentrées seront concernés. En plus de l’interaction à assurer entre les institutions étatiques, les partenaires techniques et financiers, les organismes internationaux, les organisations paysannes (OP) ainsi que leurs faîtières, de même que les ONG ainsi que la société civile auront un rôle clé à jouer.
- Un des instruments clés à mettre en place dans le cadre de cette nouvelle stratégie de mise en œuvre est la loi d’orientation agricole (LOA).
- L’estimation du coût global de la mise en œuvre de la politique agricole à l’horizon 2030 est d’environ 3 800 milliards FCFA (soit 7,6 milliards de dollars USA, avec 1$=500 FCFA). Ces estimations incluent un investissement d’au moins soixante milliards FCFA par an (soit 900 milliards FCFA sur 15 ans), rien que pour l’aménagement des périmètres irrigués (à raison de 5 000 hectares par an) autour desquels des agropoles pourront se développer. Les plans d’investissements par filière ou par agropole, qui seront prochainement élaborés donneront une estimation plus précise de tous les coûts associés aux fiches de projets qui auront été identifiés. Les postes de dépenses les plus importantes associées au cadre logique de mise œuvre incluent notamment : (i) la création d’agropoles (240 milliards de FCFA); (ii) l’installation de 5 Unités d’Industries Agro-Alimentaires (175 milliards de FCFA) ; (iii) l’aménagement de périmètres pour faciliter l’accès à un foncier sécurisé et adaptés à l’irrigation jusqu’à hauteur de 65 000 ha (1 450 milliards de FCFA) ; (iv)°le développement d’infrastructures de soutien aux filières prioritaires (940 milliards FCFA).
- Ces investissements seront réalisés en trois phases quinquennales : 2016 à 2020, 2021 à 2025 ; 2026 à 2030. La principale source de financement sera constituée de capitaux privés (56 % du montant estimé), adossés au besoin à des schémas de partenariat public privé. Les ressources à prévoir au budget de l’Etat (44 % du montant estimé soit 10 % du budget global des dépenses publiques au moins à l’exécution, conformément à l’engagement pris à Maputo) serviront essentiellement comme instrument catalytique.
- Quatre types de risques ont été identifiés pour l’atteinte des objectifs visés dans la nouvelle politique agricole :(i) risques liés aux facteurs externes, (ii) risques liés à la mauvaise gouvernance, (iii) risques liés aux facteurs socio-environnementaux, et (iv) risques liés aux facteurs technico-économiques.
- Les risques provenant des facteurs externes s’expriment en termes de fluctuation non maîtrisée des cours des produits agricoles, l’absence de protection des filières due aux mesures commerciales fixées par l’OMC et des directives des zones économiques régionales. La faible compétitivité régionale du Togo peut entrainer la réticence des opérateurs économiques internationaux à y investir.
- Les risques liés à la mauvaise gouvernance sont transversaux et impactent tout le secteur. Ils sont relatifs aux politiques directives, pas assez participative et la réticence des acteurs (agriculteurs, agroindustriels et commerçants) à mieux s’organiser pour instituer des cercles vertueux de création de richesses.
33.Les risques liés aux facteurs socio-environnementaux dépendent des conflits fonciers entre petites et grandes exploitations du type agro-industriels ou agro-combinats. Ceci pourrait occasionner la fragilisation de l’agriculture paysanne, la multiplication des paysans sans terres. Les risques de pollution en aval des aménagements, la dégradation de la biodiversité, l’insuffisance des ressources en eau et la précarisation des cultures dues aux changements climatiques ne sont pas à minimiser.
- Les risques liés aux facteurs technico-économiques se manifestent par les catastrophes socioéconomiques dues à l’introduction de technologies mal maitrisées et la manipulation génétique des espèces (phyto et zoo-sanitaires). Les difficultés d’accès aux crédits des petits agriculteurs et de diversification des formes d’appuis-conseils agricoles sont à redouter. Les faibles rendements peuvent limiter la compétitivité des produits togolais dans un contexte où plusieurs pays aspirent à l’émergence en 2030 avec pour stratégie de transformer l’agriculture. L’insuffisance de matières premières et la faible capacité énergétique du pays sont à craindre pour le développement de l’agro-industrie. L’insuffisance des données statistiques constitue une entrave pour le développement de la production, de la transformation et de la commercialisation. Enfin, le risque de dévaluation des monnaies des pays voisins (hors Zone Franc) avec lesquels le Togo échange reste tout de même très important pour la compétitivité du secteur au plan régional.
- Les risques énumérés ci-dessus donnent lieu à des actions publiques d’atténuation dotant le secteur d’instruments nécessaires pour contenir ces risques. Il s’agit d’envisager notamment l’élaboration et l’adoption d’une loi d’orientation, de la mise en place d’agences autonomes et d’un guichet agricole unique logé au besoin au sein de l’Agence de promotion des investissements et de la zone franche (APIZF) intégrant la mission de mobilisation de mécanismes innovants de financements, l’élaboration et l’adoption d’une loi foncière ainsi que la mise en place d’un cadastre rural.
- Ces actions publiques phares sont condensées dans une matrice en annexe, qui permettra de suivre la mise en œuvre de la politique agricole.